Un soir, un livre 2025
Cercle de lecture convivial ouvert à tous, qui fonctionne sous la houlette de Jeanne Bem
On se rencontre une fois par mois environ et on discute du livre choisi lors de la précédente rencontre.
On peut venir aussi juste pour attraper le désir de lire.
Les comptes-rendus sont rédigés par Jeanne Bem
Prochaine rencontre
Autour de Vies et morts de Sophie Blind, de Susan Taubes , Ed. Rivages
le mardi 25 mars 2025 chez Jacqueline Dejeux, Autun, à 15h30
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Mardi 18 février 2025
Hier après-midi nous étions sept chez Jacqueline et nous avons discuté du roman humoristique de Philibert Humm, "Roman de gare".
Cela a été très animé. Le livre a suscité la controverse: nous avons été deux à le défendre très fort, plusieurs participantes se sont montrées amusées mais sans plus, et un avis a été assez fortement négatif. Le négatif: c'est une fausse aventure, les deux amis ne risquent rien (encore que... ils risquent plusieurs fois l'accident), et les "hobos" qui sautaient dans les trains de marchandise en Amérique entre les deux guerres pour aller chercher du travail à mille km plus loin, ne faisaient pas ça pour leur plaisir. Tout cela est vrai. Ce qu'il faut, c'est prendre en compte le "deuxième degré". Tout est parodique et léger dans "Roman de gare" - et par les temps qui courent, passer quelques heures à sourire à de bonnes (et inoffensives) blagues toutes les deux lignes, c'est quand même appréciable.
On s'est mis d'accord sur le rôle de l'auteur-narrateur: il est un peu comme un comique, un "seul en scène", sauf qu'au lieu de débiter ses blagues à un public, il les écrit pour nous. Il y a une part d'oralité, de négligé, dans son style, qui coexiste avec son adresse à utiliser le subjonctif passé. Le livre est bourré de clins d'oeil de connivence culturelle. Philibert et son copain "Buck" (le nom d'un chien de Jack London) forment un tandem qui se souvient de Laurel et Hardy. Une référence non signalée par l'auteur est bien sûr "Trois hommes dans un bateau" (1889) de l'humoriste anglais Jerome K. Jerome. Au lieu de descendre la Tamise en canot, nos deux faux aventuriers se laissent aller au gré des trains dont ils ignorent la destination. Au lieu de traverser les plaines et les montagnes de l'Ouest américain, ils ont pour horizon des cabanes de jardin et des cafés perdus où ils rencontrent des consommateurs paumés. Les rencontres font le sel de la vie, elles sont toutes précieuses, et parfois l'auteur abandonne la dérision pour évoquer un destin (celui de Paco par exemple) qui nous ramène au tragique du quotidien. Le livre est parsemé de petites phrases à la fois anodines et philosophiques, qui font qu'il est peut-être plus profond qu'on ne pense.
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Mardi 18 janvier 2025
Nous étions sept filles hier chez Elisabeth - merci à elle pour son accueil!
Le roman de Sandrine Collette, "Madelaine avant l'aube", a été couvert de prix - l'autrice accède à la grande notoriété. En plus Mme Collette est une romancière d'ici, elle fait connaître ce Morvan dont nous subissons tous le charme. Elle a un style intéressant, et son travail fait penser à celui de Marie Hélène Lafon. Chez Sandrine Collette, la narration est une sorte de courant de conscience. L'autrice part de la langue orale mais elle se construit une écriture bien à elle, avec un rythme un peu heurté et souvent de belles expressions imagées. Nous avons remarqué un procédé tout à fait étonnant concernant l'identité du narrateur - je n'en dis pas plus!
La sensibilité de la romancière va à la nature, aux saisons, aux animaux. Ses personnages, les paysans, semblent des morceaux taillés dans le rocher, dans les labours, dans la forêt. Les paysans sont des taiseux. Ils expriment leurs émotions par leur corps, leurs gestes, leurs silences. La plus sauvage de tous les personnages est l'héroïne, d'abord petite fille puis adolescente - une figure attachante et inquiétante marquée par la fatalité. Tout un monde rural à l'ancienne est reconstitué, avec ses traditions et son âpre quotidien.
Sandrine Collette se situe dans la grande tradition des romans historiques situés dans un pays perdu. Un pays fermé, délimité par un fleuve et des forêts, et que la loi a déserté. On est clairement à l'époque féodale, et une famille d'aristocrates prédateurs règne sur la communauté villageoise. Le "Mal" plane sur leur vie. On peut penser à Giono et au "Roi sans divertissement", ou à Faulkner. Ou encore, plus près de nous, à "Lambeaux" de Charles Juliet. Du côté de la non-fiction, il y aurait bien sûr "De sang-froid" de Truman Capote.
Dans le groupe, tout le monde a été intéressé par le livre. Cependant, l'histoire que raconte "Madelaine avant l'aube" est perturbante, très sombre même, c'est une histoire qui avance - telle une tragédie - vers de terribles malheurs annoncés dès le prologue, et les lecteurs doivent se confronter à des événements climatiques extrêmes, à des famines, à des situations où les villageois sont sans défense contre les abus, à un viol, à un massacre. On peut être rebuté par l'ultraviolence. Mais le succès obtenu chez les jeunes lecteurs s'explique peut-être par l'actualité des thèmes traités: à trois cents ans de distance, ce monde si sombre ressemble au nôtre.
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