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Un soir, un livre 2025

 

Cercle de lecture convivial ouvert à tous, qui fonctionne sous la houlette de Jeanne Bem

On se rencontre une fois par mois environ et on discute du livre choisi lors de la précédente rencontre.
On peut venir aussi juste pour attraper le désir de lire.

Les comptes-rendus sont rédigés par Jeanne Bem

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Prochaine rencontre
Autour de Le grand feu de Léonor de Récondo, livre de poche 
le 29 avril, 17 h. chez danièle Grilli, à Autun

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Mardi 25 mars 2025

Nous avons passé une heure très conviviale et animée chez Jacqueline, à discuter du roman de Susan Taubes, "Vies et morts de Sophie Blind".

Tout le monde était d'accord pour dire que c'est un roman d'un abord difficile - plusieurs qui auraient peut-être participé, ont dû être découragés. Parmi les présents (je veux dire: les présentes!) plusieurs n'ont pas pu lire le livre jusqu'au bout, et l'ont fini en diagonale.
Ce n'est pas l'histoire racontée qui décourage, c'est la forme narrative. 

L'héroïne est une Européenne issue d'une famille juive hongroise de rabbins et d'intellectuels, elle a immigré enfant aux Etats-Unis avec son père en 1939. On comprend que le roman est en grande partie la transposition, en écriture et en fiction, de la propre histoire de vie de l'autrice. Publié sans succès à New York en 1969, le roman ainsi que son autrice ont été redécouverts récemment (la romancière s'était suicidée peu après la publication du livre). On comprend donc aussi qu'il n'est pas étonnant que l'héroïne soit une femme très névrosée, à l'image sans doute de la romancière. Mais on pourrait dire que cette névrose se traduit également dans la conduite plutôt chaotique du récit. C'est un texte "dérangé" et dérangeant.
La forme narrative: dans la discussion, on a remarqué l'espèce de ressassement, de "sur place", qui est à la base du texte. L'héroïne nommée Sophie Blind jouit d'une grande liberté dans sa vie privée, elle habite où elle veut, elle voyage comme elle veut, elle a des amants, ses enfants n'ont pas l'air de souffrir, son mari Ezra est arrangeant, mais son obsession c'est son émancipation totale: elle veut que son divorce soit prononcé. La quête interminable du divorce est le fil directeur. Cette quête est de toute façon inachevée, puisque Sophie meurt brutalement dans un accident de rue, et sa mort est annoncée dès le début: "Je suis morte un mardi après-midi, percutée par une voiture alors que je traversais l'avenue George-V." (page 22)
A partir de là, une certaine logique (qui place le roman au bord de la "fantasy") veut que certaines pages soient racontées par la morte, depuis le royaume de la mort où elle a pris ses marques. Ces pages sont pleines d'onirisme débridé.

Cela pousse à la lecture en diagonale, parce qu'on peut choisir de les sauter pour passer à des pages plus "normales"

Le livre est écrit au "je" et au "elle". Il est comme une mosaïque ou un puzzle dont le lecteur doit assembler les morceaux pour s'y retrouver. Du coup, qu'on l'ait aimé ou non, tout le monde a trouvé le livre "intéressant". Chacun y a trouvé des phrases, des passages frappants.
Les lieux évoqués sont surtout européens. Le moment à partir duquel c'est raconté est Paris, vers la fin des années 1960 (un lieu assez désincarné). En fait le lieu principal est le lieu de l'ancrage familial et des souvenirs: la Hongrie. Au fil de certains passages rétrospectifs, assez nombreux, on apprend énormément sur cent ans d'histoire compliquée et contrastée de ce pays. On apprend aussi beaucoup sur l'histoire et le ressenti des juifs de Hongrie. Qu'est-ce que cela signifie d'être juif? C'est la question philosophique que Susan Taubes pose directement, en écho par avance à Georges Perec (dans "Récits d'Ellis Island", en 1980).

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Mardi 18 février 2025

Hier après-midi nous étions sept chez Jacqueline et nous avons discuté du roman humoristique de Philibert Humm, "Roman de gare".

Cela a été très animé. Le livre a suscité la controverse: nous avons été deux à le défendre très fort, plusieurs participantes se sont montrées amusées mais sans plus, et un avis a été assez fortement négatif. Le négatif: c'est une fausse aventure, les deux amis ne risquent rien (encore que... ils risquent plusieurs fois l'accident), et les "hobos" qui sautaient dans les trains de marchandise en Amérique entre les deux guerres pour aller chercher du travail à mille km plus loin, ne faisaient pas ça pour leur plaisir. Tout cela est vrai. Ce qu'il faut, c'est prendre en compte le "deuxième degré". Tout est parodique et léger dans "Roman de gare" - et par les temps qui courent, passer quelques heures à sourire à de bonnes (et inoffensives) blagues toutes les deux lignes, c'est quand même appréciable.

On s'est mis d'accord sur le rôle de l'auteur-narrateur: il est un peu comme un comique, un "seul en scène", sauf qu'au lieu de débiter ses blagues à un public, il les écrit pour nous. Il y a une part d'oralité, de négligé, dans son style, qui coexiste avec son adresse à utiliser le subjonctif passé. Le livre est bourré de clins d'oeil de connivence culturelle. Philibert et son copain "Buck" (le nom d'un chien de Jack London) forment un tandem qui se souvient de Laurel et Hardy. Une référence non signalée par l'auteur est bien sûr "Trois hommes dans un bateau" (1889) de l'humoriste anglais Jerome K. Jerome. Au lieu de descendre la Tamise en canot, nos deux faux aventuriers se laissent aller au gré des trains dont ils ignorent la destination. Au lieu de traverser les plaines et les montagnes de l'Ouest américain, ils ont pour horizon des cabanes de jardin et des cafés perdus où ils rencontrent des consommateurs paumés. Les rencontres font le sel de la vie, elles sont toutes précieuses, et parfois l'auteur abandonne la dérision pour évoquer un destin (celui de Paco par exemple) qui nous ramène au tragique du quotidien. Le livre est parsemé de petites phrases à la fois anodines et philosophiques, qui font qu'il est peut-être plus profond qu'on ne pense.

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Mardi 18 janvier 2025

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Nous étions sept filles hier chez Elisabeth - merci à elle pour son accueil !

Le roman de Sandrine Collette, "Madelaine avant l'aube", a été couvert de prix - l'autrice accède à la grande notoriété. En plus Mme Collette est une romancière d'ici, elle fait connaître ce Morvan dont nous subissons tous le charme. Elle a un style intéressant, et son travail fait penser à celui de Marie Hélène Lafon. Chez Sandrine Collette, la narration est une sorte de courant de conscience. L'autrice part de la langue orale mais elle se construit une écriture bien à elle, avec un rythme un peu heurté et souvent de belles expressions imagées. Nous avons remarqué un procédé tout à fait étonnant concernant l'identité du narrateur - je n'en dis pas plus!

La sensibilité de la romancière va à la nature, aux saisons, aux animaux. Ses personnages, les paysans, semblent des morceaux taillés dans le rocher, dans les labours, dans la forêt. Les paysans sont des taiseux. Ils expriment leurs émotions par leur corps, leurs gestes, leurs silences. La plus sauvage de tous les personnages est l'héroïne, d'abord petite fille puis adolescente - une figure attachante et inquiétante marquée par la fatalité. Tout un monde rural à l'ancienne est reconstitué, avec ses traditions et son âpre quotidien.

Sandrine Collette se situe dans la grande tradition des romans historiques situés dans un pays perdu. Un pays fermé, délimité par un fleuve et des forêts, et que la loi a déserté. On est clairement à l'époque féodale, et une famille d'aristocrates prédateurs règne sur la communauté villageoise. Le "Mal" plane sur leur vie. On peut penser à Giono et au "Roi sans divertissement", ou à Faulkner. Ou encore, plus près de nous, à "Lambeaux" de Charles Juliet. Du côté de la non-fiction, il y aurait bien sûr "De sang-froid" de Truman Capote.

Dans le groupe, tout le monde a été intéressé par le livre. Cependant, l'histoire que raconte "Madelaine avant l'aube" est perturbante, très sombre même, c'est une histoire qui avance - telle une tragédie - vers de terribles malheurs annoncés dès le prologue, et les lecteurs doivent se confronter à des événements climatiques extrêmes, à des famines, à des situations où les villageois sont sans défense contre les abus, à un viol, à un massacre. On peut être rebuté par l'ultraviolence. Mais le succès obtenu chez les jeunes lecteurs s'explique peut-être par l'actualité des thèmes traités: à trois cents ans de distance, ce monde si sombre ressemble au nôtre.

 

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