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La clé d'Osiris

Niveau 6e - sujet 1 - 1er prix

Maïka DUFRASNE
Collège Niki de Saint Phalle 
SOPHIA ANTIPOLIS

La clé d'Osiris

L'officiant au centre du cercle de prêtres était Pharaon. Il s'approcha du Dieu et l'invoqua avec respect, en lui tendant une coupe enflammée.

" Osiris ! Dieu ressuscité !

Accepte l'offrande du feu : Il donne chaleur et clarté,

Il est l'essence des dieux,

Il donne la vie et la reprend,

Il brûle le myrte et l'encens...

Respire avec moi ces parfums,

Fumées de l'âme et de la vie sans fin,

Et ouvre la porte du ciel Avec la clé de l 'Eternel ! "


Dans le temple de Ta-our, la Terre Première, les initiés aux mystères d'Osiris servaient le grand dieu. Ils aidaient leur roi à accomplir le Rituel Sacré. Ils lui tendirent les métaux purifiés et le sceptre majeur d'Osiris, dont le sommet était caché aux mortels. En lui résidait le Grand Secret.

Soudain, le premier prêtre se retourna et découvrit l'insolent sacrilège caché derrière la colonne...

Je me redressai vivement, les yeux furibonds du prêtre encore proches de moi. Le front couvert de sueur, je me levai en écartant mon drap, et me dirigeai vers la cuisine. Je bus un verre d'eau et me calmai. Ce n'était pas la première fois que je faisais ce cauchemar.

Depuis longtemps, l'égyptologie me passionnait. C'est d'ailleurs pour cela que j'étais devenu gardien au musée du Louvre. Bien sûr, je m'étais arrangé pour être affecté au département des civilisations antiques. Lors d'un nettoyage des réserves, je fus intrigué par une caisse en bois contenant un sceptre pharaonique provenant d'un temple d'Abydos. Mes propres recherches m'avaient amené à échafauder une théorie toute personnelle : le sceptre, dont le sommet cachait une face à l'effigie d'Osiris, était non seulement un symbole essentiel des mystères divins, mais également une clé !

Qu'ouvrait-elle ? Je ne le savais pas encore, mais passais tout mon temps libre à essayer de le découvrir. Je ressassais cette quête même dans mes rêves les plus profonds...

C'est en arpentant les couloirs interminables des sous-sols du Louvre que je découvris finalement un autre objet de culte de la même provenance que le sceptre. C'était une armoire sacrée, appelée naos, abritant la statue du dieu, que des servants de haut rang du Moyen Empire faisaient revivre à chaque lever de soleil par des rites appropriés. Je soupçonnais fort que ce naos pouvait m'aider à résoudre l'énigme. Entre les mains du dieu qui avait vaincu la mort se trouvait un gros cabochon de lapis-lazuli. J'eus l'idée de déplacer la pierre précieuse qui pivota, laissant apparaître une forme creuse. Je devinai sans peine que cela devait être l'empreinte exacte du sceptre-clé. Je le sortis fébrilement de sa caisse, l'introduisis au cœur du naos et le tournai jusqu'à entendre jouer un mécanisme.

La sensation de fraîcheur me parut incongrue. Peu à peu la clarté se fit dans mon esprit embrouillé. Je gisais sur des dalles de pierre. Devant moi, le naos était ouvert et la clé d'Osiris encore à sa place. Je remarquai à quel point le meuble sacré me paraissait resplendissant de couleurs vives et de dorures. Des lucarnes derrière de hautes colonnes dispensaient une lumière crue. Je n'étais plus dans les caves du musée mais bien dans ce qui semblait être un temple.

Etais-je encore en train de rêver ?

La salle où je me trouvais était pourvue de plusieurs portes. J'en poussais une au hasard. Elle donnait sur une galerie. Je la longeais, ébahi, admirant les extraordinaires fresques qui en couvraient les murs de scènes de la vie d'Osiris. Je m'attardai un instant sur le visage de malachite du dieu, sur l'émeraude des papyrus et sur le rubis éclatant des plumes d'ibis. C'était l'une des plus belles représentations du genre qu'il m'avait été donné de voir.

La curiosité m'entraîna au bout du corridor qui donnait sur un jardin en terrasse, planté de palmiers et arrosé d'une fontaine azurée. L'endroit surplombait une vallée. Un cours d'eau majestueux serpentait au milieu d'une mosaïque de champs. Dans les méandres du fleuve se balançaient nonchalamment les voiles triangulaires d'authentiques felouques. Au loin, la ligne ondulée des dunes ocrées marquait les limites d'un désert. Il n'y avait désormais plus de doute : j'étais bien en Egypte, le long du Nil.

Etait-ce un tour de magie du facétieux dieu Bès, le génie familier qui avait le pouvoir d'envoyer des songes ?

Une mélopée se fit entendre. C'était un chant qui provenait d'un groupe d'ouvriers travaillant en contrebas. Je les distinguais nettement, tous vêtus d'un pagne blanc. En me penchant, je pus entr'apercevoir les toits plats de maisons en torchis chaulé, les ruelles étroites d'une petite ville et même un souk d'où montaient des senteurs épicées et des appels de marchands.

Je revins vers la salle du temple, décidé à explorer plus avant ce site incroyable où j'étais plongé. J'avais la conviction qu'il s'agissait d'Abydos, la ville construite sur la rive gauche du Nil, entre les cités de Thèbes et d'Assiout, et consacrée à Osiris.

En pénétrant à nouveau dans la salle du culte, je remarquai des représentations de divinités associées: Thot, dieu de la connaissance, Oup-ouaout, l'ouvreur des chemins, Maât, déesse de la justice et de l'harmonie. Je me souvins que le temple d'Abydos était aussi appelé la Porte du Ciel et du Temps. Le pharaon Sésostris III y créa une cité pour les prêtres et administrateurs qui avaient charge d'entretenir le Ka, la puissance créatrice royale, et le Ba, la faculté divine de franchir l'espace en passant de l'imaginaire au réel.

Etais-je donc en train de vivre cette magie par-delà les millénaires ?

Perdu dans mes pensées, je n'avais pas entendu un groupe de servants d'un office religieux. Au milieu, une figure plus richement vêtue psalmodiait et encensait une statue. Je les observais derrière une colonne. Soudain, un des leurs se retourna. Il cria dans une langue que je ne comprenais pas. Des gardes armés de lances et de sabres arrivèrent en courant. Je compris qu'il me fallait fuir. J'avisai alors le naos ; je m'y précipitais, tournais la clé d'Osiris, et eus juste le temps de la retirer.

Mon réveil dans les caves du Louvre fut douloureux. J'avais l'impression que chaque cellule de mon corps était en souffrance. Le souvenir de ce périple en Egypte était-il bien réel ? En parlerais-je à quelqu'un ? Me croirait-on ? Mes recherches me poussaient-elles vers la folie ? Je ramassai le sceptre osirien et allai le ranger avant qu'on ne remarque son absence. En poussant sur le bouton de l'ascenseur, je résolus de garder mes cauchemars ou ces mystères pour moi.

Il me serait désormais bien difficile de poursuivre ma quête !

Encore que...

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