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Mon pélerinage à Saint Jacques de Compostelle

Nicolas Scherer, Collège du Vallon, 71400 Autun

En ce matin de l'an 1155 mon ami Thibaud frappe à ma porte à l'heure où les cloches sonnent matines. Nous devons quitter notre bonne ville d'Autun pour aller en pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, demander la guérison de ma mère très malade.

J'habite dans les hauts- quartiers une maison à colombages, près de la cathédrale Saint-Lazare. Nous dévalons les petites rues boueuses jusqu'aux bas quartiers. Rue Marchaux se trouve la corporation des maréchaux-ferrants.

« Vous avez déjà ferré notre ânesse ? Merci, nous allons la charger avant de partir. » Notre ânesse Grisette n'est plus toute jeune mais sera très utile pour transporter nos affaires.

Pour ce long voyage nous emportons des habits, de la nourriture et un peu d'or. Il reste à nous préparer : notre tenue de pèlerins se compose d'une robe de bure, d'un chapeau, d'une besace, d'un chapelet et d'un grand bâton pour nous aider à marcher.

En ce début mars, il est huit heures lorsque nous quittons Autun en direction d'Orcival. La route est sans difficulté, nous traversons prés, petites vallées et sous-bois. Le temps est encore frais et le premier soir, malgré notre pèlerine, nous sommes trempés par les fines averses.

Nous arrivons près d'une ferme. Nous frappons à la porte. « Vous êtes pèlerins... entrez... réchauffez-vous vers l'âtre... voulez-vous partager notre soupe ? » Nous voilà assis autour de la grande table. Jehan le fermier a dix enfants et la famille n'est pas bien riche. Ensuite nous dormons dans la paille de la grange jusqu'à l'aube.

Dès le lendemain le chemin devient plus accidenté. Nous allons moins vite, Grisette aussi. Le cinquième jour, nous nous arrêtons dans une clairière. « Un peu d'eau et de pain nous feraient du bien ! » s'exclame Thibaud.

Nous entendons des bruits à côté de nous. « Ohé ! Nous sommes marchands, nous venons de Lombardie et allons aux foires de Champagne, tout d'abord~à celle de Bar-sur-Aube. Venez vous joindre à nous. »

Roméo et Leonardo nous offrent du lard et des fruits. Ils ont six mulets chargés et partent vendre du poivre, du gingembre, du safran, de la cire de Venise et même de la poudre d'or.

Nous les remercions : « Nous prierons pour vous... »

Après plusieurs jours de marche, Orcival est en vue. L'église est terminée depuis peu, nichée au fond d'une vallée, nous la surplombons. Nous entrons dans la nef et sommes frappés par la pénombre. Nous descendons dans la crypte, exacte reproduction du choeur et du déambulatoire. Je prie devant Notre-Dame d'Orcival, belle statue de vermeil et d'argent. Bien sûr nous faisons ce pèlerinage pour obtenir le pardon de nos péchés et gagner notre salut, mais mes pensées vont à ma mère si faible et alitée. Demain nous repartirons en direction de Conques.

La traversée des monts d'Auvergne risque d'être périlleuse !

« Attention Nicolas, une bande de brigands ! s'écrie Thibaud.

-Votre or et vite ! »

Heureusement deux cavaliers arrivent et les font fuir. Ce sont des templiers. Rubin et Otton se présentent : ils reviennent de la seconde croisade et ont pris Jérusalem aux musulmans le 15 juillet 1099. Je leur pose beaucoup de questions sur leur voyage et la Terre Sainte. Nous nous séparons avant la descente vers Conques.

Une foule de pèlerins se presse pour prier devant les reliques de Sainte-Foy, jeune chrétienne martyrisée au IVème siècle. Les boiteux et les aveugles attendent des miracles.

Nous reprenons la route vers le sud et l'abbaye Saint-Pierre de Moissac. En ce mois d'avril, les eaux du Tarn ont gonflé et notre ânesse se retrouve embourbée. « Oh, hisse... ! »

A l'écart du monde, les moines vivent selon la règle de Saint Benoît. Ils partagent leur temps entre prière, méditation et travail. L'abbaye abrite un scriptorium et une importante bibliothèque.

C'est dimanche, nous assistons à la messe et écoutons les chants des petits enfants. Nous serons hébergés et nourris par les moines ce soir.

L'Espagne n'est plus loin. Nous passons un col avant Ronceveaux avec des « jacquets » qui arrivent de toutes les régions. Nous nous arrêtons à l'hostellerie.

Début mai, il fait plus doux. Nous logeons dans des maladreries ou des hospices tenus par des hospitaliers. Nous prenons « le chemin des Français » protégé par les templiers de l'ordre de l'Épée Rouge. Nous traversons Burgos, Léon, El Cebrero... accompagnés de pèlerins de Paris. Le soir, nuit à la belle étoile et chants nous rassemblent. Nous devenons amis avec deux jeunes filles. Clotilde a des yeux bleus et de longs cheveux blonds, Mahaud des tresses brunes et une peau mate. Thibaud regarde Clotilde d'un drôle d'air.

« Ami, ne serais-tu pas amoureux de la damoiselle ? » Pour toute réponse Thibaud me sourit les yeux dans le vague.

Fin mai, nous arrivons à Saint-Jacques de Compostelle. Je découvre une église semblable à celles de France : une nef, un large transept, un choeur entouré d'un déambulatoire, des chapelles, ainsi qu'un cloître. C'est là que se trouve la tombe de Jacques le Majeur, disciple du Christ. Son corps est arrivé miraculeusement par la mer. « La coquille » est devenue l'emblème du pèlerinage et le symbole que tout pèlerin doit porter sur son chapeau. L’église a été commencée en 1078 et durant les quarante ans de sa construction, l'apôtre Jacques n’a cessé de faire des miracles : aveugles, muets, sourds, boiteux, possédés, sont guéris. Maintenant il fait aussi se rencontrer les coeurs... !

Je vais rester huit jours à Compostelle parmi les « coquillarts » avant de retourner à Autun. Trois mois de voyage, des rencontres, des amis, des paysages variés et une superbe église... et j'espère que mon voeu sera exaucé et ma mère guérie à mon retour.