Pour que tu restes
Perrecy-les-Forges, 2 janvier 2008
Chère Garance,
Si je t'écris cette lettre en ce jour de malheur, c'est que je suis certain que tu es sur le point de faire une énorme bêtise que tu pourrais regretter par la suite... Certes, beaucoup de choses jouent en ta faveur, mais j'ai certains éléments en main qui pourraient te faire changer d'avis. Pourquoi veux-tu mettre ta vie en l'air sur un simple coup de tête ? Je sais que la perte de tes parents dans cet accident est horrible, mais tu dois surmonter cela. Penses au reste de ta famille et à tes amis, qui t'entourent et te soutiennent même dans les pires moments. Qu'est ce que je vais devenir sans toi ? Eh bien, je ne serai plus rien car tu es tout pour moi, tu es plus qu'une amie, plus que ma chérie. Je n'imagine pas le monde sans ta joie et ton sourire qui couvrent ma vie de bonheur. Que pour cela, je te demande de ne pas accepter ce travail en Australie. Ne sombres pas dans la dépression, ne vis pas uniquement pour te venger du chauffard qui a fauché tes parents ! Ne t'inquiètes pas pour ce salaud, il sera jugé et condamné à une peine exemplaire! Quant à toi, amuses-toi et penses à autre chose, ça te changera les idées, et tu arrêteras de ruminer sur ton sort ! Dès que je serai rentré de mon stage, je te promets que je vais te chouchouter, parce que tu le mérites. Tu es une fille droite, rigolote, travailleuse, tu n'as pas à subir ce genre d'événements dramatiques si jeune, dix-huit ans... L'âge de sortir, de s'amuser... Pas l'âge de voir ses parents mourir...
Mais ce n'est pas une raison pour nous quitter et accepter ce travail ennuyeux, si loin de tes amis et ta famille. Qu'est ce que tu vas faire là-bas à part te faire arracher une jambe par un requin blanc quand tu prendras des cours avec un blond aux cheveux longs avec les yeux bleus dont tu seras tombée amoureuse? Moi je sais ce que tu feras, tu nous oublieras et tu te concentreras sur ton travail à en perdre la raison. Tu deviendras vieille fille avec tes quatre-vingt-douze chats noirs dans ton manoir hanté perdu au milieu des kangourous. Cette vie, tu ne l'auras pas, parce que tu resteras ici, entourée de tous les gens qui t'aiment, et je ne te dis pas que tu oublieras ce qui s'est passé, loin de moi cette pensée, mais tu apprendras à vivre avec, progressivement. La vie est faite de hauts et de bas, et en ce moment, tu es dans des profondeurs abyssales, mais dis-toi que tu ne peux pas descendre plus bas, que tu touches le fond, et qu'il faut donner un coup de pied par terre pour remonter encore plus vite. On n'a qu'une vie qui est très courte, alors profites de la tienne au maximum, et tu rejoindras tes parents bien assez vite... C'est une histoire incomparable avec la tienne, mais tu te souviens quand Delphine m'a quitté, je pensais que la vie n'aurait plus de sens et que je ne m'en sortirais jamais, mais tu m'as soutenu sans arrêt et il m'a fallu du temps, beaucoup de temps, et au bout du compte, en grande partie grâce à toi, j'ai su rebondir et m'en sortir. Maintenant c'est à mon tour de te soutenir comme tu l'as fait pour moi. Ne crois pas que je me sente obligé, je le fais parce que ce que je ressens pour toi est largement plus fort que de l'amitié ou de l'amour, et que je ne veux pas que tu partes. Je ne peux pas décider à ta place, mais réfléchis bien avant de prendre une décision. Nous sommes jeunes et nous avons tous fait et nous ferons tous des bêtises et des choix, mais là, en ce moment, tu ne vas pas bien et ce n'est en aucun cas le moment de faire un choix si important. Et puis, je me doute bien que les médias et les journaux ne t'aident pas, je t'ai vue aux informations hier et tu pleurais... Tes larmes sont mes larmes, ta vie est ma vie. Saches que depuis la 6e que l'on se connaît, je t'ai considérée comme ma sœur et je tiens à toi encore plus qu'à quiconque. Tu te souviens de toutes nos journées passées à rigoler, à s'amuser... De toutes nos histoires inventées, de nos rires... Toutes les périodes difficiles aussi que nous avons traversées... Mais nous avons supporté ces problèmes.
Nous deux, c'est pour la vie. Alors je t'en conjure, n'acceptes pas ce poste si loin de moi... Si tu pars, à qui je vais raconter ma vie, et à qui vas-tu raconter la tienne ? Je n'ai confiance qu'en toi dans ce monde fait de corruption et d'injustice. Ce chauffard a pris les vies de tes parents mais si tu pars, c'est ma vie que tu vas détruire.... Je te connais maintenant et tu vas me répondre « Tu ne peux pas comprendre, et tu te trouveras d'autres amis... ». Mais moi je ne veux que toi, parce que tu es une fille unique, et que personne ne pourra te remplacer, tu resteras gravée à jamais dans mon cœur, que tu peux briser si tu pars, ou que tu peux laisser intact si tu restes dans ce beau pays qu'est la France. As-tu pensé á ta pauvre grand-mère si tu déménages ? Qu'est ce qu'elle va devenir sans son unique fils, sa belle-fille et sa petite-fille qu'elle aime tant... Et ta petite cousine qui vient de naître ? Tu ne la verras pas grandir, et elle n'aura personne avec qui jouer aux poupées. Dans le pays des kangourous, tu ne connaîtras personne, et une jeune fille seule dans les rues sombres le soir, ce n'est pas conseillé... Pour moi et tes amis et aussi pour toi, nous ne te demandons qu'une chose : que tu restes parmi nous...
Avec toute mon affection et mon amitié,
Ton meilleur ami qui t'aime tant,
Garian
Florian LASSOUS (Garian Lasouin)Collège Jules Ferry - GENELARD