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Textes laureats Lycée

 

Lycée – sujet 1                Manon GAGNEPAIN

Une larme dans un océan

20 ans...
Vingt ans...
Vains ans...
Non. C’était un mensonge. Ces vingt années n’avaient pas été vaines, mais veines, conduisant une encre bleue sombre jusque dans la pointe du dernier doigt de la main, si souvent appelé, stylo.
Tantôt mot, tantôt tâche, tantôt fier, tantôt lâche, il avait tracé durant tant d'années les chemins et labyrinthes d'imaginations les plus tortueuses !
Il en avait décrit des océans, il en avait fait grandir des forêts, il en avait fait courir des enfants, il en avait raconté des histoires, il en avait pensé des poèmes, en vingt ans...
Vingt ans déjà qu'il avait trouvé une main à sa plume ! Et la main avait grandi, ses doigts étaient devenus plus fins, ses mots plus doux, ses rêves plus grands, ses lettres plus rondes…
Il en avait vu passer des cahiers, des feuilles blanches, des effaceurs (ces traîtres d'insatisfaits !), et des cartouches d'encres !
Il connaissait sa main par cœur, logé dans sa paume depuis si longtemps, il régnait en maître incontestable comme un roi sur son royaume ! Ses rivières, ses crevasses et ses reliefs...
Vieux stylo mélancolique... Mais alors là, il n'était pas prêt d'arrêter! Ce n'était pas demain la veille qu'on allait lui faire prendre sa retraite ! Il avait encore du travail !
Il avait encore des paysages à peindre, des personnages à inventer, des aventures à faire vivre, des amoureux à enlacer, des rébellions à soulever, des cieux à embraser, des larmes à faire couler !
Plutôt motivé ce stylo, direz-vous...
Il avait décidé de rester dans sa main pour les vingt années à suivre, puis les vingt suivantes, et encore les vingt d'après ! Jusqu'à ce qu'elle soit vieille, flétrie, calleuse, paralysée, morte. Il la suivrait même dans sa tombe !
Appelez ça de la motivation, j'appelle ça de la fidélité. .
Vingt années, vingt ans, c'était tellement ! Il y avait eu tant de mots, de lettres, d'univers à écrire !
Écrire...  écrire, écrire, écrire, écrire. Ce seul mot résumait tout en ne disant rien ! Écrire ? Quoi ? C'en devenait insultant de dire que le stylo n'avait fait qu' « écrire » durant ces vingt années ! De sous-entendre qu'il n'était que scribe de l'écrivain ! N'importe quoi ! Aux dernières nouvelles, l'écrivain n'écrivait pas tout seul !
C'était lui, oui, lui le stylo, qui avait tracé, lettres après lettres, les contours de ses histoires, les pages de ses poèmes, le feu de ses discours, la rage de ses amours !
Mais le stylo, tout fier qu'il est, sait encore qu'en vingt ans, il n'y a pas eu que lui et sa main. Des milliers de stylos, côte à côte, ont peint durant tout ce temps, nombre de paysages, ont réalisé nombre de rêves et ont voyagé dans nombre d'imaginations.
Vingt ans, c'est tellement grand, c'est tellement beau, c'est tellement long 1 Mais, c'est aussi tellement rien... Juste une promesse d'aller encore plus loin, encore plus haut, pendant encore plus longtemps !

Un infiniment grand dans un infiniment plus grand.
Auteurs, écrivains de tous horizons, pensez à vos crayons !
Et le stylo, de sa plume d'argent, verse sa larme dans un océan.

  « Œuvrer »                 

   Juliana FEDERICO
 1er prix                     Lycée Bonaparte – Autun

Mon étoile, mon amour



Ma très chère Chloé,

J'ai pensé à toi ce matin en ouvrant les yeux lorsque le soleil a percé, et alors l'envie m'a pris d'écrire cette lettre.
Pour être honnête, chacun de mes jours, chacune de mes pensées, sont habités par ta présence et j'aimerais pouvoir te toucher autrement qu'à travers ce papier froissé.
Malgré tout, je remercie Dieu à chaque seconde de t'avoir donné l'opportunité d'échapper à ce monde où tout bonheur semble avoir été aspiré. Ici, les rires sont sourds, les regards sont vides et le gris a remplacé tout autre couleur. Je prie pour que jamais tu n'aies à sentir cette odeur mêlant la terre et la peur qui jalonne les couloirs de ma vie.
Tu sais, Chloé, ces heures sombres m'ont fait réfléchir. Pour tout te dire, ma véritable naissance fut la tienne. Depuis cette nuit de Septembre, tu n'as fait que me remplir de bonheur et de fierté ; et ce malgré ma peur de ne pas pouvoir t'offrir l'avenir que tu méritais. Même si désormais, mes yeux ne peuvent plus fixer les tiens, toi ma fille, ma merveille, tu es la meilleure chose qui me soit arrivée. Cette nuit de Septembre, je donnais la vie alors que la mienne était condamnée et cet acte fut ma meilleure contribution à ce monde.
Tu sais, malgré leurs efforts pour me réduire en cendres, je vivrai toujours à travers toi. Sache que telle l’étoile que j'arbore sur mon buste, je constitue les milliers d'étoiles qui veillent sur toi pour que tes nuits soient paisibles et que ta vie soit douce.
Ici, mon identité a été remplacée par un numéro, ils veulent me faire disparaître mais sache que je serai pour toujours ta mère dans tous les endroits où tu poseras tes yeux. A chaque personne que je croiserai, ici ou là-bas, anges ou démons, je leur crierai que tu es l'œuvre de ma vie.
Treblinka,19.03.43

         
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« Œuvrer »                 Adèle SPIELBERG
2e prix                     Lycée Bonaparte – Autun

Laisser une trace

Depuis que je suis jeune, mon rêve a toujours été de monter en haut des montagnes. Le froid, la neige, ce sont mes éléments. Quand j'étais petit, j'adorais aller marcher dans les hauteurs ou faire des randonnées, dès mon enfance en effet j'ai été bercé par de grands randonneurs : mes parents. Fans de ski, à chaque vacances de février nous allions sur les pistes une semaine durant, et nous enchaînions les descentes en ski de piste, mais surtout les randos en raquettes, qui nous faisaient parfois nous enfoncer loin dans la montagne jusqu'à nous perdre et nous retrouver avec de la neige jusqu'aux cuisses. J'aime aussi l'hiver pour cette sensation que l'on a quand on se réchauffe au coin du feu ou sur un radiateur, avec une boisson chaude entre les mains. Il y a cette sensation de refroidissement en été quand la température monte trop haut et qu'on a la joie de pouvoir se baigner ou une glace à manger, qui est aussi agréable, mais je préfère le réchauffement. Cette sensation de réchauffement, moi je la connais, mais pas de réchauffement sans froid. Qu'est ce que j'ai pu avoir froid, lorsque je sortais par un rude mois de décembre jouer avec la neige, escalader les arbres sans gants... Je passais des heures dehors avec une température négative, mais cela me procurait le plus grand plaisir du monde. Et quand j'avais finis ma bataille de boules de neige avec mes amis, s'ensuivait le bonhomme de neige, puis la course poursuite sur la route gelée au risque de tomber. Je pense que ce qui me plaisait dans toute cette neige, c'était le danger, et le réconfort ensuite : la glace peut être très dangereuse lorsque nous sommes en voiture ou même à pieds, ou sur les lacs, et ce n'est pas bon pour le corps non plus de rester des heures dans la neige, le sang qui ne circule plus. Mais j’aimais prendre ces petits risques, et puis finalement quand je finissais par rentrer à la maison et que la chaleur revenait en moi, ça faisait du bien.
Bref, un jour, dans le jardin de la location pendant nos vacances en famille de février, derrière le chalet, alors que j'avais pour ambition de faire un igloo, j'ai trouvé un bloc de glace très gros. Agile de mes mains, j'ai abandonné la construction de l'igloo et j'ai entrepris de graver quelque chose dans la glace. J'avais froid aux mains, aux pieds, de petits flocons tombaient du ciel, un véritable hiver comme je les aime. Je suis resté une après midi entière dehors à tailler la glace, assis dans la neige. Mais quand mes parents m'appelèrent à la fin de la journée, je n'avais toujours pas fini ma gravure, et, têtu comme je suis, je n'ai pas voulu rentrer ce soir là, malgré le vent glacial qui commençait à souffler sur mon jeune corps. Ce que je voulais graver ? Au départ, rien de plus que le chalet dans lequel nous étions, mais au fil des heures à travailler cette glace, je m'étais découvert une véritable passion pour la gravure, m'était alors venue l'idée de graver tous les membres de ma famille, mes animaux, des arbres... Tout ce qui me passait par la tête. Et tant que le bloc n'était pas entièrement taillé, je ne serais pas rentré. Pourtant, à 12 ans, je ne savais pas qu'à cet instant où je décidais de ne pas rentrer pour encore quelques quarts d'heure, étais en train de se déterminer en moi mon futur.
Je me demande encore si tout ce qui est arrivé par la suite est de ma faute, est-ce que si j'étais rentré et n'avais pas fini mon bloc de glace, tout ça ne serrait jamais arrivé ?
Car oui, quand je suis rentré, ce n'est plus la chaleur du chalet que j'ai retrouvé, mais ma mère en sanglots sur le canapé. Que s'était-t-il passé pendant que je jouais avec la glace dehors ? D'après ma mère, mon père qui était avec elle aurait voulu me ramener à l'intérieur. Je n'étais que dans le jardin, je ne comprenais pas pourquoi il n'était pas revenu et pourquoi ma mère pleurait... De toute évidence il n'était pas rentré, mais où était-il ? Du haut de mes douze ans j'ai alors posé la question à ma mère. C'est à cet instant que j'ai compris que c'était grave. Je revois encore l'expression du visage de ma mère, ses yeux horrifiés et floutés par les larmes, ses jambes qui tremblaient... Mon cœur fit un bond. Ma mère ne m'avait même pas encore répondu mais c'était comme si je savais déjà... « Ton père à voulu sortir te chercher. Au bout d'une demi-heure il n'était toujours pas revenu... j'ai pris la lampe torche et je suis sortie pour voir ce que vous faisiez... j'ai suivi les traces... » Elle se prenait la tête entre les mains, tentait d'essuyer ses larmes, me regardait, et replongeait dans une sorte de douleur insupportable qui fendait mon cœur en deux. Elle avait pris la torche et était allée voir dehors, avait suivi les pas de mon père, et puis ?
Je commençai à trembler moi aussi, j'avais trop peur de savoir mais je décidai d'y aller par moi-même. Je pris la lampe torche, ouvris la porte par laquelle j'étais entré quelques minutes plus tôt, et éclairai la neige. Je reconnaissais mes traces et celles de ma mère, plus petites et plus récentes que celles de mon père. Elles partaient dans une autre direction, semblaient aller loin dans le jardin, s'enfoncer dans le brouillard... Je me souviens avoir entendu ma mère appeler quelqu'un au téléphone, tandis que je mettais mes pas dans les traces de mon père. Je marchais la tête baissée sur elles, quand je me rendis compte que devant moi se dressaient d'énormes sapins, une forêt entière... Mon père ne se serait pas aventuré si loin sachant que j'étais seulement dans le jardin, sans doute avait-il été perturbé par le blizzard... J'avançais un pas de plus... Les traces semblaient grossières, comme s'il avait trébuché, ma respiration se faisait de plus en plus rapide, avec le froid qui m'arrachait la gorge. Un mètre plus loin il y avait un fossé qu'on voyait très bien en plein jour mais impossible à discerner dans de telles conditions. Il n'y avait plus de traces de pas, seulement la neige tassée, comme si quelqu'un était tombé... Je dirigeai lentement la lampe torche jusqu'au fossé, tremblant de peur. J'avais eu raison d'avoir peur, car la vision que j'ai eue est, et restera, la plus traumatisante de toute ma vie : mon père, allongé au fond du fossé, la tête en sang contre un tronc de sapin, à coup sûr sans vie. Autour, les traces de pas de ma mère qui avait osé s'approcher de plus près, poussée par l'amour et l'espoir. Mais moi j'étais jeune, j'ai juste eu le souffle coupé et une brusque envie de vomir, et je suis retourné en courant vers le chalet.
Ce souvenir est difficile à exprimer. J’ai peiné à revenir au chalet avec toute la neige, et pendant que je courais, j'avais comme un cri en moi qui ne voulait pas sortir, un cri déchirant, qui ne s'exprimait que par des flots de larmes.
Ensuite, c'est allé très vite. Il était trop tard, à la vue de son corps nous avions tout de suite compris que plus jamais il ne se relèverait. Ma mère avait appelé les pompiers, ils ne mirent pas longtemps à arriver. Elle dut sortir leur montrer la direction de l'endroit où mon père était tombé et leur expliquer la situation. Pendant ce temps, moi je restais assis dans le chalet, silencieux, effondré et choqué. Il est impossible de garder un souvenir des événements qui ont suivi, tout était si étrange, j'avais une véritable impression d'avoir manqué quelque chose. En vérité, j'avais peut être manqué l'occasion de lui dire au revoir, manqué l'occasion de grandir avec mon père. J'étais jeune et pourtant confronté à un si grand désespoir... Les pompiers l'ont pris, et l'ont emporté. Ensuite, je me souviens que nous avons dû rester, ma mère et moi, un ou deux jours sur place, le temps de faire tous les papiers nécessaires et pour pouvoir ramener mon père à la maison et l'enterrer chez nous. C'est horrible, dit comme ça, horrible mais ce n'est que la vérité de ce à quoi j'ai dû être confronté si brusquement. Je ne me souviens pas des jours que nous avons passés là-bas après son décès, je sais juste qu’il régnait une atmosphère angoissante et insupportable, j’avais envie de partir de cet endroit, alors que j’attendais toute l’année d’y aller…
Le jour où nous sommes finalement partis, il nous a fallu traverser le jardin dans lequel nous n'avions pas mis les pieds depuis deux jours. Il n'y avait plus aucune trace de pas, mais quelque chose attira mon attention, quelque chose que j'avais complètement oublié : le fameux bloc de glace, toujours au même endroit dans le jardin, avec les gravures... Cela me parut étrange qu'il n'ait pas fondu, mais il est vrai qu'avec un froid pareil, la glace pouvait demeurer intacte jusqu’à ce que la température augmente. Avant de monter dans la voiture, je jetai un dernier regard à ce bloc. L'emmener avec moi était une idée ridicule, il aurait fondu très rapidement et n'aurait laissé qu'une flaque d'eau glacée comme souvenir. Je fermai alors la portière, bien obligé de le laisser là où il avait toujours été, et regardai pour la dernière fois notre petit chalet où j'avais passé sans doute les moments les plus joyeux de mon enfance, mais aussi le pire moment de ma vie.
Sur la route du retour, alors que mes paupières commençaient à se fermer, par la fenêtre, je vis se dresser une énorme montagne, et en regardant un peu plus haut, son sommet enneigé qui devait être à 3000 mètres d'altitude commençait à peine à sortir d'une grosse masse de nuages. Et, dans ce court laps de temps d'éveil durant lequel je regardais cette montagne, je me suis dit que j'irais. J'irais là haut, en haut de ce sommet. Dorénavant, cela allait être mon seul et unique objectif. Ça paraissait fou, j'étais si jeune, il y avait tant d'autres montagnes où aller, mais non, j'avais choisi celle-ci et je n'allais pas changer d'avis. Alors, comme plus serein d'avoir trouvé un but à ma vie, je fermais mes paupières pour de bon...
C'est 20 ans plus tard qu'eut lieu le vrai réveil. Pendant des années, j'ai travaillé d'arrache-pied en tant que graveur et tailleur sur bois (différent de la glace, mais ma passion était restée la même), je travaillais à mon compte, aux demandes des clients qui me passaient des commandes précises pour un ornement de maison, une canne, une luge. Car oui, j'avais quitté ma région natale pour venir habiter dans les Alpes comme je l'ai toujours voulu. Et à chaque rentrée d'argent, je mettais de côté, même lors des moments difficiles, car j'avais toujours mon objectif en tête, et chaque centime était un pas vers le fameux sommet. Alors j'économisais jusqu'à ce que ce soit suffisant pour partir en expédition et gravir la montagne, jusqu'au jour où j'ai fini par avoir assez pour faire des stages d'alpinisme, puis j'ai pu acheter mon propre matériel... Tout s'enchaina, j'ai continué de satisfaire les commandes de mes clients pour avoir le peu d'argent qui me manquait en étant plus que jamais déterminé. Et le jour J arriva, le jour où j'allais réaliser ma promesse d'enfant.
Je pris ma voiture, me rendis au pied de la montagne. Et mon ascension commença. Elle dura cinq jours environ, je m'arrêtais chaque soir dans des auberges prévues à cet effet. Et chaque matin, je repartais, m'enfonçant toujours un peu plus dans la neige sur des pentes toujours un peu plus raides, me rapprochant chaque jour un peu plus de mon objectif. Je croisais parfois d'autres alpinistes sur mon chemin, je pouvais suivre les traces qu'ils avaient laissées dans la neige pour m'aider. Mais même si notre intention commune à tous était d'atteindre le sommet, aucun d'entre eux n'y avait consacré toute sa vie et n'y accordait autant d'importance que moi. Les jours passèrent, le départ de la dernière auberge avant le sommet vint. C'est peut être la plus dure journée, mais aussi la meilleure, car nous savons qu'au bout nous attend peut être la plus belle des récompenses : la réussite. Et finalement, armé de patience, de force et de courage, je réussis à venir à bout de cette journée, et de cette montagne. Je me souviendrai toujours des trois derniers pas que j'ai faits pour arriver à poser ma main au sol, dans la neige, comme pour mettre un point à tout cela. Les derniers mètres ne sont pas si durs que ça, on est acclimaté, mais psychologiquement c'est très fort. Mais ce dont je me souviens particulièrement, c'est de ce que j'ai trouvé en dessous de l'endroit précis où j'avais posé ma main, enfoui dans la neige : un grand bloc de glace.
Toute ma vie a défilé devant mes yeux jusqu'à remonter au moment où j'avais trouvé le bloc de glace dans le jardin du chalet, vers mes 12 ans. J'ai aussitôt entrepris de sortir ce gros bloc de la neige et de le poser contre une énorme roche qui devait être le sommet à proprement parler de la montagne. J'ai pris ma pioche, et j'ai commencé à tailler cette glace. J'en avais accompli des œuvres dans ma vie, de belles gravures sur bois comme des bustes d'animaux en taille réelle, ou encore des poèmes taillés dans l'écorce d'un arbre, mais jamais une œuvre n'avais été si belle à mes yeux. Et même mes plus grandes réussites qui m'avaient rapporté une bonne somme d'argent n'avaient pas autant de valeur que ce nom gravé dans la glace. Car non, je n'avais pas gravé un dessin, j'avais gravé son nom. Car il est dans mes pensées de jour comme de nuit, et même s'il ne fait plus partie de notre monde, il constitue toujours le mien. Il mérite d'être au sommet.
Après réflexion, ce n'était pas dans les traces des alpinistes que j'avais marché pour m'aider, c'était dans celles de mon père. Encore une fois.

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 « Œuvrer »                Emelyne PAIN
                    Lycée Bonaparte – Bac Pro

Journal de bord

10 avril1912
Aujourd'hui, c'est le grand départ. Il s'agit du voyage inaugural du Titanic. Nous sommes à Southampton, Angleterre. J'attendais ce moment depuis ma plus tendre enfance. Je rêvais de créer le plus grand paquebot de tous les temps. Chaque recoin, chaque petit détail, chaque morceau de ce navire vient du plus profond de mon esprit. Il est pourvu de 16 compartiments étanches, il est donc insubmersible, c'est le paquebot le plus sûr qui existe jusqu'alors.
Nous sommes plus de 750 personnes à bord du Titanic pour ce grand voyage de la traversée de l'Atlantique.

11 avril1912
Tout se passe à merveille, le temps est splendide. Les gens sont heureux et content du service et du confort.
Nous avançons à 21 nœuds et nous faisons un arrêt à Cherbourg. Nous sommes repartis, et nous ne voyons déjà plus que l'océan à perte de vue.
Ce soir, une soirée spéciale est préparée en mon honneur, il faut que je me prépare. Je vais présenter, avec le Capitaine Edward Smith, mon œuvre sur laquelle nous voyageons !

12 avril1912
Nous sommes arrivés à Queenstown et nous levons l'ancre à 13h30. Nous repartons direction New York. Dans la soirée nous avons reçu un message de la « Touraine », un paquebot français qui nous signale un brouillard dense, une couche de glace épaisse, des icebergs et des épaves de navire abandonnées à plusieurs endroits de l'Atlantique Nord.

13 avri1 1912
Aujourd'hui, nous avons reçu plusieurs appels concernant des icebergs, des growlers et de la banquise sur l'Atlantique Nord. Le Capitaine Smith ne prend pas vraiment en compte les informations qu'il reçoit. Certes mon paquebot ne peut pas couler mais il vaut mieux rester vigilant. La nuit tombée, celui-ci décide de réduire l'allure à 18 nœuds. Je vais aller écrire une lettre pour ma merveilleuse épouse, Helen, à qui je pense très souvent et avec qui j'aurai aimé partager ce voyage.

14 avril 1912
Je suis allé à la messe dans la grande salle qui sert de restaurant habituellement et qui se transforme tous les dimanches en lieu de culte. La journée se passe bien, nous naviguons au milieu de centaines de morceaux de glace, rien de bien grave pour l'instant mais nous avons reçu plusieurs appels de différents bateaux nous signalant de gros icebergs et de gros blocs de glace. Malgré les avertissements des autres bateaux, le personnel de la navigation maintient le cap et la vitesse du bateau à 22,5 nœuds. En maintenant la cadence et le cap nous arriverions mardi soir à la surprise générale, ce qui ravit beaucoup de personnes qui se sont précipitées sur les télégraphes pour avertir leurs proches. Je me prépare pour le concert qui est donné en première classe, par l'orchestre de bord sous la direction de Wallace Hartley.

15 avril1912
Il est 1h20, c'est la dernière fois que j'écris sur ce journal, peut-être qu'un jour quelqu'un le lira... Nous avons heurté un iceberg à 23h40 (heure locale).
L'eau pénètre de compartiment en compartiment et, aux dernières nouvelles, elle vient de s'infiltrer dans le septième compartiment. Il est trop tard. Le Titanic va sombrer.
Je ne comprends pas... J'ai fait une erreur, l'eau n'aurait pas du dépasser le sixième compartiment.
Nous avons ordonné aux membres d'équipage de faire évacuer les passagers sur le pont supérieur. Nous sommes presque 2200 à bord du paquebot. Je reste là, assis, à écrire ces dernières lignes sur mon journal dans le grand restaurant tout en contemplant la grande horloge. Les secondes passent doucement mais je vois toute cette agitation autour de moi, tous ces gens effrayés, ils ont si peur... Moi, je ne veux pas partir... Je veux mourir ici, sur mon paquebot. Des dizaines de questions trottent dans ma tête : pourquoi aurais-je le droit de rester en vie alors que des centaines de personnes vont mourir ? Pourquoi resterais-je en vie alors que ce paquebot est la plus belle création que je n'ai jamais faite et que je ne referai jamais ? Nous coulerons ensemble... Mes dernières pensées seront pour ma femme et ma fille. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir été à la hauteur... Je veillerai sur vous du ciel... Je vous aime...
Je m'excuse auprès de toutes les familles des futures victimes qui auront péri à bord duTitanic.
Je m'appelle Thomas Andrews et ce paquebot, ce géant de l'océan, ce fut l'œuvre de ma vie.

Journal de bord retrouvé le 21 septembre 1992 lors d'une expédition de robots dans les profondeurs de l'océan à bord de l'épave du Titanic.

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« Œuvrer »                Lucie     THABOURET
                    Lycée Bonaparte – DMA


Vos yeux ne sont pas ceux de l'artiste mais ils me font vivre

Tu me vois.
Tu me regardes.
Viens, approche, regarde mieux. Lis-moi, vis-moi.
Bien!
Tu as remarqué ma délicatesse ? Cette fragilité subtile dans mes traits, cette douce harmonie que dégagent mes nuances...Non, ne me touche pas, je pourrais être brisée. Là, admire ces subtils détails qui viennent gracieusement rehausser ma discrète aura.
Regarde-moi encore ! Découvre-moi une énième fois !
Sois captivé par mes couleurs, par la puissance de mon charme. J'aime la séduisante touche d'esprit qui se reflète dans tes yeux. Oui... Je sens la caresse de ton regard sur moi comme j'ai senti la jouissante satisfaction de la main de mon créateur, celle qui m'a épanoui. Désirable chose qui prenait vie sous ses doigts délectables.
Vis-moi!
Comprends la force et la puissance qui m'habitent ! Sois emporté par le flot de sentiments que je déclenche en toi. Pleure ! Ris ! Mais réagis ! Ne reste pas là, insensible, froid comme la pierre et apprends. Apprends de moi. Moi qui suis l'Œuvre, l'œuvre de ta vie, celle qui t'ouvrira tes yeux déjà grands ouverts.
Laisse tout s'écouler ! Laisse toi aller à mon élan. La rage de mon message fut déversée sur moi pour t'atteindre ! Celui qui m'a créé, ses yeux écarquillés, ses mains frénétiques s'agitaient tandis que le feu de sa folie se joignait à la lumière du génie pour me créer. Je suis sa complexité, je le porte, je suis son symbole.
Reviens-moi 1
Tu ne comprends pas. C'est normal, les visions ne sont jamais claires. Laisse le sable s'écouler. Éphémère ou infini. Peu importe. Je suis l'Œuvre de ta vie. Que je sois devant toi ou dans ton esprit, tu m'as vu, je ne partirai plus. Telle est ma raison d'être. Exister. Pense à moi, pense à ce que tu as ressenti. C'était juste son idée, je ne suis qu'un support pour lui, pour toi, inerte, insensible marbre. Mais je suis l'image que tu me donnes, je suis d'abord l'image qu'il m'a donné. Tes yeux ne sont pas ceux de l'artiste, mais ils me font vivre.
Va. Pars.
Je suis maintenant.
Tu m'as vécu.
Maintenant va.