Textes suite 4e
4e – Sujet 1, Charlotte VIDAL du collège Jean-Moulin - Marcigny
Une ado chez les corsaires
Lundi dernier en histoire, salle 205. Je regardais pour la centième fois ma montre : pour la centième fois, je déprimais en découvrant qu’il n’y avait pas eu un bond dans le futur puisqu’il restait encore quarante cinq minutes de torture. Je n'ai rien contre l'histoire ! Ce n’est pas ma matière favorite, mais j’arrive à m’y intéresser. Ou plus exactement j’arrivais. L'année dernière, la prof’ était géniale : simple, drôle, directe et passionnée. La prof’ d’histoire parfaite.
Cette année, un prof’ passionné mais qui, à chaque fois que quelqu’un pose une question, dérive sur quarante sujets différents ce qui à la fin m’embrouille tellement que je n’ai toujours pas compris. Je désespère en voyant mes notes s’effondrer et j’ai l’impression que l'unique espoir que je comprenne un jour ses explications diminue fortement, comme ma motivation à faire des efforts. J’aimerais bien retourner en 5e. Au revoir la 4e avec ce prof’ à la noix.
En ce moment on parlait du trafic maritime au milieu du 18e siècle D’après ce que j’ai réussi à comprendre, les anglais sont les boss, ils ont créé des colonies en Inde et leurs bateaux reviennent avec du café, des épices… bref plein de trucs qui à cette époque « coûtaient bonbon ». Ils s’enrichissent de plus en plus et les Français qui ne savent pas quoi faire cherchent un moyen pour faire pencher la balance. Et ils ont trouvé.
Pour faire simple (parce que si on fait compliqué je vais me perdre moi-même), le roi va engager des marins. Ces marins reçoivent une lettre (on l’appelle la lettre de marque) que le consul leur remet. Puis ils prennent la mer et vont voler la marchandise des anglais qui reviennent des Indes. C’est un peu des voleurs au service de l’Etat, qu’on appelle des corsaires.
Ce jour là, j’avoue que je ne m’intéressais pas du tout au cours. Alors j’en avais tellement marre que j’ai décidé de ne plus faire d’efforts pour écouter. J’ai fermé les yeux et je suis partie.
Tout à coup j’ai entendu… des mouettes ?! Non, pas possible, c’est mon imagination qui me faisait une bonne blague. Et soudain, une voix grave qui ne ressemblait pas du tout à la voix de mon prof’. Cette fois, je commençai à avoir peur. Et un peu mal au ventre. J’avais l’impression que ça bougeait, ça se balançait sous moi. Ma curiosité fut la plus forte et j’ouvris les yeux.
Quelle surprise ! Un grand bateau avec trois mâts, un gouvernail, une corde à mes pieds, un plancher en bois pas très propre et qui glissait beaucoup, et des gens. Beaucoup de gens partout. Où suis-je ? Je me suis retournée et j’ai compris en voyant l’eau à perte de vue : j’étais en plein océan…
Alors que je me remettais de mes émotions, un garçon de mon âge me bouscula. Il ne s’en excusa même pas, comme s’il n’avait rien fait. Mal poli ! En voyant ses vêtements (il ne portait pas de jean ni de baskets) une question me vint à l’esprit. Je l’appelai. Il se retourna et me répondit :
« Qu’est-ce que tu veux ? »
La réponse à ma question me faisait peur mais il fallait se lancer car rester dans le vague m’était insupportable. Je lui demandai :
« Quel jour sommes-nous ? »
Ma question l’étonna. Il me regarda bizarrement et me répondit : « Aux alentours du vingt avril… oui ça doit être ça, ou vingt-et-un avril 1850. »
Ah ah ah la bonne blague… mais je compris en le regardant qu’il était très sérieux. Je lui répondit calmement et le plus naturellement possible : « OK merci ». Il m’a regardée comme si j’étais une folle. Qu’est-ce que j’avais ? Un bouton ? Il m’a demandé : « Ça veut dire quoi OK ? »
J’avais complètement oublié qu’à cette époque les gens ne connaissaient pas encore ce mot merveilleux. Je pensais que ça allait être difficile pour moi de le supprimer de mon langage. Je lui répondis :
« C’est un mot que ma famille et moi disons pour remplacer « oui » ».
Il a arrêté de me regarder de travers et il est parti. Un problème en moins sur les bras mais une personne de plus sur terre qui me prend pour une folle. Mille huit cent, cette date m’était familière, comme si c’était la deuxième fois en peu de temps que quelqu’un la prononçait devant moi. Bien sûr le prof’ d’histoire. Je suis à la même époque que dans le cours ! J’ai enfin compris : j’étais sur un bateau corsaire.
Quand j’étais en cours d’histoire, les corvées données aux mousses ne me semblaient pas insurmontables. En réalité ces tâches sont épuisantes au possible. Ma journée a été passionnante et très fatigante. D’abord, j’ai lavé le pont. Il était vraiment très sale et il l’était toujours autant après qu’on l’ait lavé. Lorsque je m’arrêtais une minute pour souffler, le quartier-maître arrivait et me criait dessus comme s’il criait sur son chien. Il m’a fait beaucoup penser à la surveillante qui me hurle dessus quand elle me surprend à envoyer des mots à mes amies au lieu de faire mon exo de maths. Deuxième corvée : les nœuds. Un mousse m’a appris à faire les nœuds. J’étais dégouttée car je suis experte pour les défaire (je m’entraîne tous les jours avec mes fils d’écouteurs) mais pour les faire, c’est la catastrophe. Le quartier-maître m’a même fait apprendre les différents types et les noms de chaque nœud : le nœud plat, de cabestan, de touline… je ne pensais pas qu’il y en avait autant.
J’avis l’impression que tout allait bien sur la bateau jusqu’au soir où j’ai surpris cette conversation entre deux marins :
« Deux abordages que le capitaine loupe… Il va aller nourrir les poissons si ça continue comme ça
- Y’ai pas envie de rentre les mains vides… ma femme et mes enfants, y z’ont besoin de cet argent
- Comme on dit : l’espoir fait vivre…
- Y’a plus d’espoir p’tit gars… on va être la honte des corsaires… quel déshonneur pour le cap’taine, lui qui est si connu.
- Pis que le Roi lui- même ! »
Il est vrai que je n’avais pas du tout imaginé que l’ambiance était au désespoir. Surtout que sur ce bateau je me sentais reine des mers, invincible et surtout libre. Libre comme un oiseau. Libre de voyager. Libre de vivre ma vie comme je l’entends. J’étais heureuse et cette petite entrevue m’a montré que tout n’était pas blanc ici. Je suis allée me coucher à onze heures, après avoir mangé des biscuits secs durs comme des cailloux et bu une gorgée de rhum. Eh oui j’ai bu de l’alcool, mais ce n’est pas la fin du monde ! Je me suis couchée dans mon hamac et je repensais à la conversation des deux marins. Il n’y avait plus d’espoir : en gros je suis sur un bateau de looser ! Mais ils disaient que le capitaine était connu, même très connu. À mon avis il est moins connu que Zlatan Ibrahimovic, Neymar ou Ronaldo, parce que même moi qui ne suis pas le football je les connais ces gens là. Il est peut-être très connu parmi les gens dingues d’histoire… je me suis rendormie en pensant que si j’étais avec des loosers, alors j’éviterais peut-être un abordage.
Je me suis réveillée au milieu de la nuit. Pas moyen de me rendormir. Je suis sortie sur le pont prendre l’air. Il faisait froid et je frissonnais. C’est alors que quelque chose attira mon attention. J’eus l’impression que ça bougeait dans la brume. Je me rapprochai du bord et fixai attentivement l’horizon. J’ai rêvé pensais-je. Quand soudain j’entendis un cri perçant qui glaça mon sang dans mes veines. J’avais des sueurs froides, les jambes coupées. J’en étais sûre à présent : quelque chose se dirigeait droit sur nous. Je distinguais vaguement une silhouette dans le brouillard.
J’avais la chair de poule mais je ne pus dire si c’était le froid ou la peur. C’est alors qu’il sortit de la brume. Je le distinguai maintenant : c’était un bateau. Pas un bateau anglais. Non, pire : c’était un bateau pirate ! Je criai :
« Réveillez-vous ! Debout ! Alerte, navire en vue droit devant ! »
Personne ne m’entendit. Personne à part un pirate. Il m’avait entendue crier et me fixait, ne sachant que faire. C’est alors qu’il sortit une arme à feu et me visa. J’étais dans une très mauvaise situation. Que faire quand un pirate sanguinaire te vise ? Se tirer de là vite fait. Mais j’ai fait tout le contraire : je suis restée plantée là comme un piquet tellement j’avais peur. Alors le pirate n’a pas réfléchi : il a tiré. Je ne sentis aucune douleur mais je m’écroulai.
BOUM ! Je me réveillai en sursaut. J’étais toujours sur La Confiance (j’ai oublié de vous dire que c’est le bateau où j’ai débarqué), encore complètement dans les vapes à cause de ce réveil brutal et de cet horrible cauchemar. Il était tard et le soleil était déjà haut dans le ciel. Je me suis habillée en vitesse car j’étais déjà très en retard, alors il ne fallait pas en rajouter.
Quand je suis sortie sur le pont, le quartier-maître a surgi derrière moi et m’a crié :
« Tu es en retard, marin d’eau douce ! »
C’était mon surnom depuis qu’il avait vu ma capacité à faire des nœuds et ma motivation à laver le pont. Je lui répondais le plus respectueusement possible car je savais que je risquais de « nourrir les poissons » à chaque faux pas :
« Je suis désolée maître, cela ne se reproduira plus.
- Tu n’auras peut-être plus jamais l’occasion de le savoir. »
Il avait dit ça comme si j’allais mourir. Et si ma punition était la planche ? Je ne veux pas mourir, j’ai encore plein de rêves et tellement de temps devant moi pour les réaliser ! Mais si ce temps avait considérablement diminué par mon excès de sommeil ? Je trouvai enfin le courage de le questionner sur la sentence :
« Est-ce que je vais être punie ?
- Oh non, t’inquiète pas. Je ne vais punir personne aujourd’hui. N’comprends tu pas ? Un immense bateau anglais de quatre cents hommes se dirige par ici ! »
Là, j’ai compris que c’était la fin. Nous étions deux cents hommes à bord et ils étaient le double. Nous étions désespérés et eux, ils étaient sûrement fous de joie à l’idée de se venger de toutes les cargaisons que les corsaires leur avaient dérobées.
Le bateau se rapprochait et avec lui l’abordage. Il était maintenant très près et tout l’équipage était paré pour l’abordage. Les deux bâtiments étaient maintenant côte à côte. Le bateau sur lequel je me trouvais était un sloop : il était maniable, rapide mais petit. Les anglais possédaient un bateau très grand et aussi rapide pour nous rattraper. On aurait dit un brigantin (un immense bateau pirate).
Le capitaine est alors sorti de sa cabine : j’ai longuement observé son visage, au cas où je retournerais en 2015 je pourrais faire des recherches pour savoir s’il est vraiment connu. Il est allé vers la barre et il s’est tourné vers tout l’équipage qui était rassemblé sur le pont et il a crié :
« Alors c’est comme ça ? Il n’y a plus d’espoir, on va tous mourir, on n’a aucune chance ! Nous avons perdu deux batailles et c’est fini ? On baisse les bras ? Ecoutez-moi bien : l’échec est le fondement de la réussite ! Renaissons de nos cendres et battons nous jusqu’à la fin pour notre honneur. Non ce n’est pas mon honneur qui est en jeu mais le nôtre, car les innombrables victoires que j’ai gagnées, je ne les ai pas remportées seul. Oui moussaillons, je tremble autant que vous ! Mais c’est votre détermination qui m’a donné le courage de surmonter cette peur. Alors aujourd’hui où tout semble perdu d’avance, montrez-moi encore une fois ce courage et cette détermination que vous possédez ! Pour nos familles qui nous attendent et pour l’honneur des corsaires de France ! »
Je crois que jamais je n’avais vu un discours aussi parfait : simple, construit, préparé, sincère et court. Le capitaine n’a pas caché ses faiblesses et il nous a montré que ce n’est pas le capitaine qui devait être connu mais tout l’équipage parce que c’est ensemble qu’on est fort.
Le bruit de la cloche a retenti : le capitaine a repris la parole :
« C’est le moment de montrer que nous sommes de vrais corsaires. À mon signal ! »
J’avais très peur : je ne suis pas une vraie corsaire, je ne suis pas courageuse, je désespère juste parce que je n’arrive pas à écouter en histoire ! Mais j’ai repensé aux paroles du capitaine : ne pas baisser les bras. Etre persévérante. Ne pas désespérer. La colère a commencé à monter en moi : marre de subir, marre de ne pas me battre, marre de désespérer, de ne jamais affronter mes problèmes et de ne jamais me surpasser et combattre mes peurs. À ce moment là, une flamme s’est éclairée en moi : le feu de la patience. J’ai fermé les yeux pour mieux sentir la détermination qui montait. J’ai enfin compris pourquoi j’avis l’impression de ne pas profiter de ma vie à fond : parce que je n’affronte pas mes problèmes. Pour être heureuse, il faut y aller à fond, être heureuse, ne jamais baisser les bras. Et pour ne rien regretter, il faut faire de son mieux. Faire de son mieux, c’est une belle devise.
Soudain il y eut un cri qui me semblait venir de loin :
« Eh, Estelle ! Réveille toi ! »
Je me sui fait « défoncer » par le prof’ qui m’a dit que mon comportement dépassait les bornes et que mes notes ne remonteraient pas comme ça. Je peux vous dire qu’il a été très surpris en voyant mon dix-neuf au devoir bilan sur les corsaires.
J’ai fait des recherches : le capitaine était effectivement très connu. Il s’appelle Robert Surcouf. Il est né en 1773 et mort en 1827. On l’appelle le roi des corsaires et on dit qu’il a beaucoup embêté les anglais.
J’ai aussi voulu savoir si mon rêve avait vraiment eu lieu et vous ne savez pas la meilleure ? Il a eu lieu en 1850 et on a gagné ! Bravo les copains ! Il paraît que Robert Surcouf aurait capturé un membre de l’équipage anglais et que l’otage aurait osé lui dire que les Anglais se battaient pour l’honneur et que les Français ne se battaient que pour l’argent. Sur quoi, le capitaine lui aurait répondu :
« Eh bien, chacun se bat pour obtenir ce qui lui manque le plus. »
Depuis ce cours d’histoire, je me donne à fond et je combats mes peurs et mes faiblesses sans jamais baisser les bras, même si j’échoue une fois. Il faut toujours persévérer. Je crois que je suis la seule fille au monde qui peut dire qu’un cours d’histoire a changé sa vie !
4e – Sujet 2, Rodrigue EXCOFFIER du collège militaire - Autun
Si j’étais roi
Si j'étais roi
Je serais tout à toi
Et tu serais ma reine
Ô toi que j’aime
Je t’offrirais
Tout ce dont tu rêvais
Et autant d'héritiers
Que le ciel étoilé
Si j’étais roi
Resterions-nous sincères ?
Serais-tu près de moi
Dans cette vie de mystère ?
Si j’étais roi
Je changerais la loi
Pour que tu puisses enfin
M’offrir ta main
Mais je vais te dire
Cela me fait souffrir
Je n’ai point de château
Et bien sûr sans vassaux
Je ne suis pas un roi
Et tu n’existes pas !
Toutes ces rêveries
Ne faisaient qu’adoucir ma vie…