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Textes suite 3e

3e – sujet 1 Aliénor DELPOUVE du collège Jean Vilar – Chalon-sur-Saône

Un tocsin de mauvais augure

 

01 Août 1914, France

Nord Pas de Calais

Village agricole

 

Ce jour-là, nous les jeunes du village, étions allés à l'école car nos parents n'avaient pas encore besoin de nous pour la moisson. Nous étions cinq. Il y avait mon cousin Jean Petit, le plus âgé d'entre nous, les jumeaux Marie et Joseph Roux, ainsi que mon petit frère Félix et puis moi, Evelyne. Nous étions, je me souviens en cours d'histoire, en train d'écouter notre maître raconter la défaite de 1870 quand nous entendîmes retentir le tocsin. Dong. Dong. Le temps sembla s'arrêter. Le tocsin, imperturbable, continuait d'annoncer une menace indéterminée. Dong. Dong. Nous nous ruâmes vers la fenêtre. Pas de grande colonne de fumée noire, donc il n'y avait pas d'incendie dans les champs. C'est pourtant pour cela que l'on fait sonner le tocsin habituellement, alors pourquoi ?

 

Entre-temps, un attroupement agité s’était massé dans la rue. Nos parents, nos frères et nos sœurs plus âgés arrivaient des champs, inquiets. Ils murmuraient : « Quelqu'un sait ce qui se passe ?... Pourquoi le tocsin sonne-t-il ? ». Le maître nous demanda de sortir. Dehors personne ne savait de quoi il retournait. C'est alors que du haut de ses 60 ans, ma grand’ma Eugénie Petit s’exclama : « Allons voir notre curé Mr Picard ! C'est lui qui est responsable du tocsin, il saura nous dire ce qui se passe ! » On se regarda. Personne ne semblait avoir une meilleure idée, alors nous nous dirigeâmes tous vers l'église. Tout le village se trouva bientôt rassemblé devant celle-ci. Le tocsin retentissait toujours. Dong. Dong.

 

Les premiers arrivés aperçurent alors une affiche surmontée de deux drapeaux tricolores entrecroisés, placardée à la porte de l'église. La même qu'en 70. Ils laissèrent le passage aux rares habitants qui savaient lire. Ceux-ci lurent :

ARMEE DE TERRE ET ARMEE DE MER

(suivent les deux drapeaux)

ORDRE

DE MOBILISATION GENERALE

Par décret du Président de la République, la mobilisation des armées de terre et de mer est ordonnée, ainsi que la réquisition des animaux, voitures et harnais nécessaires au complément de ces armées. Le premier jour de la mobilisation est le : 02 août 1914.

 

La date était inscrite à la main dans un espace resté vierge. Le gouvernement avait été prévoyant. Un lourd silence s’installa. Partir ainsi, à la veille des moissons ? Il sembla qu'un orage venait de détruire sur pied les récoltes. Quelques femmes se mirent à pleurer.

Alors Louis, notre garde-champêtre, resté en retrait, s'avança et, après un roulement de tambour, lut, d'une voix rendue rauque par l'émotion : « Tout Français soumis aux obligations militaires doit, sous peine d'être puni par la loi, obéir aux prescriptions du fascicule de mobilisation qui se trouve dans les pages colorées de son livret militaire… »

Quelques murmures d'incompréhension se firent entendre. Louis s’éclaircit la gorge. Il résuma. Les hommes valides entre vingt et quarante ans étaient mobilisés.

 

Un silence résigné pesa sur l’assemblée. Les hommes essayaient de consoler les femmes et les enfants, disant que l'on mettrait vite ces sales Boches dehors, que ce serait l’affaire de quelques mois, pas plus, qu'ils seraient rentrés pour Noël. Mais une question me tourmentait. Est-ce que ceux qui allaient finir leur service militaire cette année étaient aussi concernés ? Est-ce que mes deux grands frères allaient rentrer bientôt à la maison, ou seraient ils aussi mobilisés pour la guerre ? En regardant les visages autour de moi, je compris que je n'étais pas la seule à m'interroger. Rien qu'à voir l'expression d'Adèle, la fiancée de mon frère Pierre, il m’était facile de deviner qu'elle avait les mêmes inquiétudes que moi.

Puis le maire réclama le silence. « Le Kaiser Guillaume II vient de déclarer la guerre à la Russie. Par le jeu des alliances, le gouvernement français, allié à celui de Saint-Pétersbourg, déclare la mobilisation générale. Les gendarmes donneront à chaque citoyen concerné les feuilles de mobilisation. Il faut que chacun rentre chez soi, reste calme, et soit prêt à partir dès demain aux frontières pour défendre la France, en citoyen digne de ce nom. Notre patrie, nos terres, la vie de nos femmes et de nos enfants sont en danger, alors unissons-nous, et nous vaincrons. Le temps n'est plus aux querelles, politiques ou de voisinage. Cette guerre est celle du peuple français. Et nous la gagnerons. »

Le maire termina son discours en chantant La Marseillaise. Tous la reprirent, gravement, comme une prière destinée à nous protéger du cataclysme que l'on sentait imminent.

C'est alors qu'un homme cria : « Vive la France ! »

Le cri fut repris. Une clameur s’éleva. Certains applaudirent. Leur départ précipité avait soudain un sens. Ils doivent défendre leur terre, la terre de leur pays, la terre qui les a vu naître et qui les verra mourir. Un serment à cette terre ne se rompt ni ne se renie.

Adèle s’était entre-temps rapprochée de moi.

« Il va aussi être mobilisé, n'est-ce pas ? demanda-t-elle dans un souffle, en parlant de Pierre. Je répondis par l’affirmative. Je la vis retenir ses larmes. Mais ce n'était pas la plus malheureuse. J'avais pu apercevoir Jeanne sangloter contre son mari tout à l'heure. La pauvre. Elle devait bientôt accoucher, et on lui annonçait que son mari allait partir pour la guerre, sans même savoir s'il s'en sortirait.

Les plus jeunes mobilisés ne tenaient plus en place Ils avaient hâte de bouter hors de la France cet ennemi qu'étaient les Boches. Ils étaient, à ce moment-là, inconscients. Inconscients de la Mort, qui avait déjà commencé à affûter sa faux, enivrée d'avance par le nombre d'âmes qu'elle pensait recueillir en son sein. Pour eux, la guerre était synonyme de gloire, non de mort, et ils reviendraient en héros.

 

J'eus soudain peur. Comment, si mes deux frères, si notre cheval et notre charrette étaient réquisitionnés, allions nous rentrer la moisson? Il y avait bien mon père, qui par son infirmité était réformé, mon petit frère Félix et moi, mais qui s'occuperait alors d'Oscar, le petit dernier qui n'avait que deux ans, alors que ma mère était morte à sa naissance ?

La femme du maire alors prit la parole. Elle demanda à ce que toutes les femmes s'entraident pour rentrer les moissons et s'occuper des enfants. Elle disait que même sans les hommes, nous réussirions à nous débrouiller. Elle demanda à Jeanne, qui ne pouvait aider aux champs en raison de sa grossesse, si elle pourrait s'occuper des enfants en bas âge. Celle-ci accepta.

Alors les villageois, tout ayant été expliqué, le tocsin, l'affiche…, rentrèrent chez eux, pour commencer à se préparer. Mon père prit par la main mon frère et, d’un geste, m'enjoignit de le suivre. Je lui emboîtai le pas, tout en disant au revoir à Adèle, qui se détourna, abattue.

 

Les lumières brillèrent encore longtemps après que l'église eut sonné minuit, dans cette nuit des adieux. Des coups frappés aux portes déchiraient parfois le silence abyssal de l'obscurité :

« S’il vous plaît, ouvrez, nous apportons les feuilles de route. »

Des colonnes d'hommes, fourmis accablées par le chagrin, partirent bien avant que l'aube rougeoyante comme le sang bientôt versé ne se lève et au matin, ce fut comme si tous les hommes en âge de partir à la guerre avaient disparu de la surface de la terre.

 

3e – sujet 2 Manon GAGNEPAIN

Collège Louise Michel - Chagny

 

 

Mon bureau, entre le pot à crayon et la lampe, le Dimanche 25 janvier 2015

 

Mon cher crayon de papier,

 

Je ne vais pas passer par quatre chemins, je te déteste. Pourquoi ? Parce que ta mine casse tout le temps. Tu me dirais sûrement que ce n'est pas une raison et que ce n'est pas ta faute, mais de toutes façons, tu ne peux pas parler…

À cause de ta fichue mine à la gomme, je suis obligée de te tailler tout le temps et tu es devenu tout petit ! Comment veux-tu que j'écrive maintenant ? Je te déteste aussi parce que tu es mon crayon préféré et que, à cause de toi, je vais devoir changer de crayon !

 

Je ne sais pas si tu te souviens de tous ces textes tu m'as reprise en faisant exprès de te casser la mine pour que je me corrige, monsieur l'allergique aux fautes d'orthographe ! Tous ces dessins que j'ai dû gommer parce que tu avais dérapé ! Tu n’imagines pas le temps que tu m'as fait perdre ! D'ailleurs, je ne comprends même pas pourquoi je t'écris une lettre puisque tu la lis au fur et à mesure que je l’écris.

 

Encore une perte de temps mais bon puisqu’on en est au moment de mettre les points sur les i, je ne vais pas m'arrêter là :

Premièrement, tu es tellement riquiqui que je mets un quart d'heure pour te sortir du pot à crayon !

Deuxièmement, tu m'échappes des mains à chaque fois que je te tiens de travers.

Ensuite, dès que j’essaie de faire quelque chose de poétique, tu transformes tout en humour noir, tu ajoutes du sarcasme ça et et ça, ça ne va pas du tout.

 

Mais bon, tu as beau être le plus insupportable crayon de la galaxie. je ne peux pas vraiment t’en vouloir.

C'est grâce à toi que je peux laisser courir les mots sur mes cahiers, et quand je n’ai pas le courage de mettre des phrases sur une idée, tu me permets de dessiner, et c'est aussi grâce à toi que mes idées peuvent naître et grandir... Et pour tout cela mon tout petit crayon, merci d'être là, tout au fond de mon pot à crayon, merci d'être si négativement merveilleux. Merci de me faire décoller de mon bureau et de m'envoyer dans un monde différent à chaque mot, merci simplement d'être mon crayon, mon meilleur ami, merci de me prêter ta mine, même si elle casse de temps en temps.

 

Alors pour conclure mon cher crayon, je te déteste pour les petits détails, mais je t’adore pour tes grandes qualités.

 

Essaie de survivre assez longtemps pour que j’écrive encore un peu avec toi.

 

Louise

 

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