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Un soir, un livre 2020

Un soir, un livre ?
On discute d'un livre choisi lors de la rencontre précédente.
Mais on peut même venir juste pour attraper le désir de lire...

 

Rencontre initialement programmée le jeudi 8 octobre 2020 à 18h00,
annulée pour respecter les consignes sanitaires en vigueur.


Le livre choisi
"Fille"
de Camille Laurens 


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Ci-dessous, les derniers comptes rendus rédigés par Jeanne Bem

 

Mercredi 2 septembre 2020 

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Nous avons eu une belle séance "chez Jeanne", nous étions onze (et encore, cinq personnes s'étaient excusées).

Cela s'est passé en deux parties: d'abord le livre de Pierre Assouline, "Tu seras un homme, mon fils". Accueil mitigé, avec quand même des défenseurs. La plupart d'entre nous ne connaissaient pas le fameux poème. Le style d'Assouline a été apprécié parce qu'il est alerte et clair, mais en même temps un peu répétitif et tendant à la facilité. Qu'est-ce qui l'a attiré? Il aime reconstituer des biographies ou des événements vus et reconfigurés par un témoin (fictif). Mélange de réel et d'imaginaire. Il est également imprégné de souvenirs d'oeuvres littéraires, son livre est plein d'allusions affichées ou cachées. Louis Lambert est le nom d'un personnage (un surdoué, un exalté) d'un roman de Balzac.

Ce livre est focalisé sur la relation père-fils, qui est représentée sur plusieurs générations et dans deux familles. C'est une relation difficile abordée dans ses diverses nuances. Le Narrateur, Lambert, fait le lien entre les deux pays et les deux cultures, et même les deux guerres, et sa relation à Kipling est elle-même la relation paradoxale d'un fils qui veut être reconnu par son père symbolique. Tout de même, Kipling aujourd'hui nous attire peu en général, et le monde évoqué est le monde de "Rule, Britannia!", un monde d'hommes blancs qui se croient légitimes dans leur position dominante. Cependant Assouline montre aussi les fêlures de ce monde finissant.

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Passons au perroquet. Le livre de Joanna Burger, "Le perroquet qui m'aimait" ("The Parrot Who Owns Me": qui me possède!) a généralement beaucoup plu, c'était une lecture de vacances déstressante. C'est rare qu'un ouvrage documentaire tienne les lecteurs en haleine de cette façon. On comprend que ce livre ait été un bestseller aux USA à sa parution, en 2002. Ce que cette étonnante ornithologue raconte s'est passé dans les années 80 et 90. Tiko sera pour nous aussi un compagnon inoubliable de notre été 2020. Certains se sont émus du rôle du mari de Joanna, MarK. C'est sûr qu'il est extraordinairement tolérant - c'est un trait sans doute de l'universitaire scientifique dans le monde anglo-saxon. Joanna a bien de la chance. Tout ce que fait Tiko est parfaitement documenté et vrai - une d'entre nous a possédé une "perroquette" qui était exactement comme Tiko. Et puis, comment ne pas penser à Loulou, le perroquet qui devient l'ami de coeur de la servante Félicité dans le conte de Flaubert, "Un coeur simple". Loulou et Tiko, même combat.

 

 

Lundi 8 juin 2020
Miss Islande de  Audur Ava Olafsdottir

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Le roman d'Audur Olafsdottir [la fille d'Olaf, en islandais] se prêtait bien à une discussion amicale. Plusieurs avaient lu d'autres romans de cette romancière qui séduit ses lecteurs, et deux d'entre nous avaient visité l'Islande. C'est un pays à la fois rude et poétique - "Miss Islande" nous montre des gens de tous les milieux, campagne et capitale, ouvriers, paysans, bergers, pêcheurs, employés citadins, ménagères, poètes professionnels. Tous sans exception ont des étagères de livres et peuvent citer des tartines de leurs sagas ou de leurs recueils préférés.

Hekla, la jeune héroïne au nom de volcan, a une énergie folle, de l'audace, de la suite dans les idées. Elle est indépendante depuis l'enfance. Elle exerce son art d'écrire "comme une passion modeste" (message de Christophe). Son amie intime, Isei, représente par contraste le destin qui était encore souvent celui des femmes en 1960 - mari, bébés, routine, quand le temps pour soi ne peut être que volé.

Cette île (175 000 habitants à l'époque, 360 000 maintenant) est un microcosme qui nous offre une image à la fois véridique et étrange, comme vue dans un miroir déformant, de nos angoisses et de nos espoirs. Avec une petite dose d'humour islandais. Tout le roman, avec ses petits chapitres aux titres surprenants, est parcouru de légers tremblements, "tremblements intérieurs et tremblements de terre" (message de Jacqueline). On a beaucoup discuté de la fin: Hekla "offre" son premier roman à la signature de son ex-ami, le poète du club Mokka qui est en panne d'écriture. Condescendance? Désintérêt de voir son propre nom sur la couverture? Je propose de dire qu'un des traits de Hekla est la générosité.

Paul nous recommande un auteur de polars islandais: Arnaldur Indridason.


 

19 février 2020

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Compte rendu de Djinn et Christophe Naigeon en l'absence de Jeanne Bem

Djinn et moi pensons après coup qu’il était sans doute un peu téméraire de proposer un premier roman d’un "moins que trentenaire". Gaspard Flamant avait été déjà publié dans le journal Libération à l’occasion d’un concours de nouvelles et il avait travaillé sur les questions d’écriture dans les prisons. Shorba a été dans le dernier carré des "Pépites" du salon du livre de jeunesse de Montreuil et, comme vous l’avez vu sur la couverture, "labellisé" par Amnesty International. Paru il y a moins d’un an, le livre a connu un plutôt bon succès public et un second roman est un préparation chez le même éditeur.

Il s’agissait donc d’un auteur et d’un livre engagés et d’un texte destiné au public "grands ados / jeunes adultes". Tout ceci a pu en surprendre certaines et certains. En tout cas, nous n’étions que cinq mercredi (en comptant Djinn et moi-même). Ce compte-rendu est donc uniquement fondé sur un échantillon très étroit de notre cercle de lecture. Tenant compte du fait que beaucoup de membres qui ne sont pas venus se sont abstenus parce qu’ils n’ont pas voulu aller plus loin dans leur lecture qu’un "sondage" à travers le texte ou bien qui ont abandonné en cours de route - ce qui est déjà donner son avis - le résumé de nos discussions va donc refléter les commentaires des personnes qui sont allées jusqu’au bout et qui étaient d’emblée plutôt curieuses d’aborder des formes littéraires sans doute un peu inhabituelles.

La discussion a d’abord porté sur le style et les avis ont été divers. "Écriture banale parsemée d’argot" ou, au contraire, "bon travail sur le langage des jeunes", ceci posant le problème de la retranscription écrite du langage parlé et soulignant la différence entre l'expression du "je" (le personnage de Shorba") et celui de l’auteur. Une critique aussi concernant l’éditeur qui n’a pas jugé utile de traduire en notes de bas de pages certaines phrases entières en Arabe ou en Espagnol.

Il a ensuite été question du message "moral". Regrettant que parfois la solution des problèmes se trouve dans la violence rendue en réponse à la violence subie, il a été souligné que la génération 68 (Léo) rencontre ici la génération Ghetto, réunies pas des valeurs finalement très humanistes, la première ayant pensé et théorisé ses aspirations et ses actes, la seconde ayant été entraînée hors de son désœuvrement et son univers rétréci vers un monde plus vaste (la bibliothèque, la montagne…) et une "cause" qui la dépassait. "Un négatif de Lacombe Lucien" a-t-il été dit.

Les personnages ont été jugés forts et bonne la description des migrants, des rapports entre eux et, en particulier, les femmes, fortes têtes de l’histoire, ont bien plu. La situation de la prison a aussi été jugée intéressante, et notamment appréciée l’idée d’en "sortir moins con" prônée par Léo.

La construction en deux périodes entremêlées sous forme de flash-back entre la période actuelle et 10 ans avant a été jugée utile à la compréhension progressive des ressorts de l’intrigue comme du caractère de l’instigateur de cette initiation des jeunes de Vénissieux à l’idée qu’une autre vie est possible.

En espérant que ce rapide compte-rendu aura été fidèle, nous vous remercions de nous avoir confié l’intérim de Jeanne à qui nous souhaitons tous un rapide recollage des morceaux !

 

Vendredi 17 janvier 2020 : Olga Tokarczuk "Sur les ossements des morts"

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Nous avons passé une agréable soirée chez Colette (nous étions neuf en tout) à discuter du roman de la romancière polonaise Olga Tokarczuk (prononcer: Tokartchouk) "Sur les ossements des morts". Rappelons qu'elle a reçu le prix Nobel 2018 pour l'ensemble de son oeuvre. La discussion a été très animée, et le roman très apprécié par plusieurs, un peu moins par quelques-uns.

Merci à nos hôtes pour le champagne du Nouvel An!

Le titre promettait une lecture macabre - c'est un peu vrai, mais il y a autre chose. C'est une plongée dans l'atmosphère d'un pays d'Europe de l'Est aujourd'hui - ce qui est déjà dépaysant en soi. (Pour ma part, j'ai des ouvertures sur la République tchèque, j'y connais même la vie de village, et je peux dire que la ruralité tchèque ressemble beaucoup à la ruralité polonaise!) En fait pour ma part j'ai retrouvé dans le paysage vallonné et enneigé du roman, et dans son atmosphère sombre, des traits... du Morvan.

Janina est une retraitée cultivée et indépendante, une solitaire un peu ronchon qui a pourtant le contact avec ses voisins tous plus bizarres les uns que les autres, bref une femme comme on peut en rencontrer dans le Morvan aussi!

Ce livre est avant tout un texte littéraire très construit. La vie intérieure de l'héroïne est traversée par un petit nombre de références récurrentes, William Blake avant tout, mais aussi un peu de La Fontaine, des contes merveilleux ou fantastiques, les grimoires de l'astrologie, ou encore les cartes aux gribouillages énigmatiques projetées sur l'écran de la chaîne météo.

En guise d'exercice littéraire, la romancière a construit son histoire sur un canevas de roman policier. Nous n'allons pas "divulgâcher" l'intrigue pour ceux qui ne l'ont pas encore lu. Le lecteur, la lectrice croient volontiers ce que Janina leur raconte, et épousent son amour des animaux et sa haine des chasseurs. Il y a des digressions dont on s'est dit qu'elles faisaient partie de l'esthétique de ce roman. Les paysages sont décrits de façon factuelle mais avec l'exactitude maniaque dont est capable une scientifique comme Janina. Il y a plein de rencontres hilarantes. Deux qualités se dégagent surtout: un esprit critique affirmé et moqueur, et de l'humour souvent - ces qualités sont probablement communes à la romancière et à son héroïne, avec laquelle on ne peut cependant pas la confondre.